jeudi 21 avril 2011

Première anecdote : altercation entre adolescentes

J'étais au volant d'un articulé en heure de pointe du soir. Le bus était bien rempli mais j'étais assez satisfait car pour une fois, la circulation n'était pas trop dense et me permettait de respecter les horaires quasiment à la minute. Puisqu'il fallait bien pimenter un peu une course qui eût été monotone sans qu'arriva ce qui suit, laissez moi donc vous narrer ma première anecdote croustillante...

Le miroir intérieur qui nous permet de voir les gens descendre aux arrêts, les poussettes, les PMR... je m'en sers également en conduite, en y jettant de temps à autres des coups d'oeil afin de m'assurer de l'agréabilité du voyage pour mes clients. En fonction de leurs visages et postures, je peux savoir s'ils sont confortables, agacés, ou autre; si manifestement j'aurais dû apréhender tel ou tel rond-point moins rapidement où si au contraire je pourrais mettre un peu les gaz sans que ça les dérange, pressés qu'ils sont de rentrer chez eux. Etant débutant, je tente en fait d'utiliser le ressenti apparent des passagers pour apprendre à caler mon allure, en plus de l'horaire et des indications qu'on nous a donné en formation.

Je me sers aussi du miroir pour m'assurer du calme et de la tranquillité qui règne à bord. 99,9% du temps, tout se passe très bien. Mais l'autre jour, dans cet articulé en heure de pointe, je vis arriver du fond du bus une lycéenne manifestement très bouleversée, en larmes et tremblante, me suppliant d'appeller la police ou les contrôleurs car "des filles voulaient la taper au fond du bus". Au début j'étais un peu étonné qu'une querelle entre adolescentes puisse causer un tel désarroi, et je ne croyais pas trop à la possible montée en violence de la situation. Puis, les filles en question ont rejoint "la victime" à l'avant du bus, et celle-ci à carrément switché en mode terreur panique. Alors même que je conduisais, elle s'est accrochée de toutes ses forces à mon bras droit, tout juste si elle n'essayait pas de rentrer dans le compartiment conducteur. Il est vrai que les quatres autres adolescentes étaient verbalement très aggressives et je n'ai rapidement plus eu de doutes quand à leurs capacité à cracher, tirer les cheveux ou balancer quelques gifles pas-pour-rire. Personnellement je ne me sentais pas du tout en insécurité, mais je craignais quand même un peu pour la gamine et donc, n'ayant pas le droit de virer des mineurs du bus, pour me dédouaner au cas où la situation s'envenimerait, j'ai lancé un appel de détresse. Ce type d'appel, émit par un bouton discret, met immédiatement le central radio en écoute silencieuse de tout ce qui se passe dans le bus. Avec la géolocalisation par satellite et les caméras qui équipent tous les bus, c'est très efficace en cas de problème. Sachant la situation écoutée, j'ai ordonné au groupe des fauteuses de trouble de reculer au fond du bus et j'ai dis à la victime, qui avait vraiment besoin d'être apaisée, qu'elle pouvait rester à l'avant à mes côtés et qu'il ne lui arriverait rien. J'en ai profité pour donner un indice au central radio afin de leur faire comprendre que je n'étais personnellement pas en danger et qu'ils pouvaient donc me rappeller pour une vraie communication. Je leur ai à ce moment-là expliqué clairement la situation, ils m'ont dit de continuer ma course et qu'ils allaient "gêrer en amont" (ce qui veut dire "envoyer la cavalerie"). En attendant, j'ai dû poursuivre la conduite commerciale avec la lycéenne tremblante agripée à mon avant-bras, tout en gérant les quatres harpies qui n'en faisaient qu'à leur tête, restant à l'avant du bus, continuant les aggressions verbales envers la victime et ordonnant par exemple à celle-ci de descendre aux arrêts avec elles afin de s'expliquer sur le trottoir. J'ai dû "faire ma grosse voix" à plusieurs reprises pour les calmer et j'ai même été obligé de ranger le bus, frein de parc et moteur coupé, leur expliquant que je ne repartirais pas tant que le calme ne reignerait pas à nouveau dans le bus. Cette mesure s'est d'ailleurs avérée plus efficace que prévu car ça a eu pour effet de leur mettre tous les autres voyageurs à dos. Ces derniers souhaitant bien sûr rentrer chez eux au plus vite, invectivèrent spontanément les harpies à se calmer afin que je puisse reprendre la conduite en toute concentration. Quelques arrêts plus loin, la cavalerie était bien présente sous la forme imposante de 12 contrôleurs, c'est-à-dire 4 bonhommes en noir pour chaque porte que comprenait le bus. Tout de suite, ça en jette. Ce fût au tour des quatre harpies de switcher en mode panique, se dirigeant aussi vite que possible (le bus était toujours bien rempli) vers l'arrière, essayant d'ouvrir les portes à l'aide des boutons de secours et donnant des coups violents dans celles-ci, uniquement pour être rapidement très très bien encadrées par les contrôleurs. Un de ceux-ci a ensuite accompagné la victime jusqu'à un autre bus où elle avait sa correspondance, et tout est finalement rentré dans l'ordre dans "mon" véhicule. Je salue d'ailleurs l'intervention dilligente et efficace des contrôleurs, c'est rassurant de savoir qu'on peut compter sur eux ainsi.

Une gendarme qui n'était pas en fonction était présente dans le bus et est venue me voir après coup pour me dire que j'avais très bien réagi. Ca m'a fait plaisir... C'était en effet mon premier incident de ce type.

Sauf qu'avec ces bêtises, j'ai pris 10 minutes de retard et je me suis retrouvé dans le jus et sans pause aux terminus pour les 3 courses suivantes! Dur dur la vie de conducteur ;-)

Dix premiers jours en solo

Bus japonais : montée par l'arrière, descente par l'avant!
 Je viens de passer mes dix premiers jours de "vrai" travail : seul responsable au volant, pour le meilleur et pour le pire ;-)

Globalement, je me suis bien amusé dans mon boulot même si j'ai rencontré pas mal de situations stressantes. Ce n'est pas monotone comme certains peuvent l'imaginer... je dirais même : à chaque jour une situation nouvelle et particulière : qu'il s'agisse d'un problème mécanique, d'un groupe de clients un peu allumés à gérer, d'une erreur d'itinéraire (si si, ça m'est arrivé), voir d'une bordure de trottoir qui décide de se décaler juste au moment où ma roue arrive dessus -détachant partiellement le garde-boue en plastique-, ou autre... Bref, les dix derniers jours se sont révélés très variés, et même si je regrette qu'ils n'aient pas été remplis que de gloire et d'auréoles je suis globalement très satisfait du chemin accompli ces derniers mois :-)

Concernant la clientèle, je dirais que la grande majorité des voyageurs sont sympas, polis et nous reconnaissent en tant que personne. Certains sont même zêlés, allant jusqu'à nous dire au revoir en quittant le bus, ou autre politesse dont je n'imaginais même pas qu'elle puisse se produire. Par contre, les quelques-uns qui ne sont pas dans cette catégorie-là sont parfois si désagréables qu'ils serait facile d'oublier "les gentils" si je me laissais aller. J'en avais déjà parlé précédemment : un des critères de base, m'avait-il semblé, pour rentrer dans l'entreprise, était d'être quelqu'un de très positif. Effectivement, je fais l'effort de me rappeller des 95% de clients agréables pour oublier les pénibles, et tout rentre dans l'ordre. Mais il faut le faire!

J'apprécie également les horaires variés et décalés ainsi que les changements de lignes quotidiens, qui permettent d'éviter la monotonie et d'avoir du temps pour soi une bonne partie de la journée. Si je fais un matin (5h - 12h30 mettons), il me reste tout l'après-midi libre. Si je fais un soir (par exemple 15h - 21h30) ça me laisse toute la première partie de journée. Dans les deux cas je peux déjeûner tranquillement à la maison avec ma compagne et vaquer à diverses activités. En ce qui concerne les services coupés c'est plus variable, mais il m'est arrivé d'avoir des coupures de 5-6h, me permettant également de rentrer chez moi entre deux conduites de 3h30 chacune, qui passent alors très vite. Finalement, j'ai tellement de temps personnel par rapport à un horaire classique de bureau, que cette organisation horaire fait que je n'ai pas encore eu l'impression d'avoir repris un emploi. Surprenant, mais agréable!